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VOYAGE PHILOMOBILE JOUR 20

VOYAGE PHILOMOBILE JOUR 20

Nous voici donc au Maroc, la Philomobile a traversé la frontière à Ceuta. Mais avant de détailler dans un prochain post, les expériences et les rencontres passionnantes que nous avons déjà faites à Tétouan et dans la belle ville bleue de Chefchaouen, une petite description du voyage en Espagne et une analyse de ce que nous avons compris de la culture de ce pays à travers le prisme de la pratique philosophique qui constitue un intéressant révélateur. Comme prévu Rachida nous a quittés à Algérisas, elle aura fait un passage éclair, mais elle a pu participer aux ateliers de Villajero de Salvanes où nous avons invité des grands-parents à dialoguer avec leurs petits enfants. Elle aura aussi apprécié l’accueil qui nous a été réservé par Antonieta, Esther et Laura qui ont mis leurs belles énergies en synergie pour l’événement : Philomobile garée sur la place devant la tour du château, affichage du logo et de l’événement partout dans les rues. Un acteur professionnel et notre petit groupe sont allés chercher les habitants et, avec ces efforts pour aller vers les gens, il y avait finalement plus d’une quarantaine de participants à l’atelier de pratique philosophique. Il a fallu refuser du monde et fermer la porte pour des raisons de sécurité. Nous nous sommes alors questionnés sur l’amour et le soin que les grands-parents apportent à leurs petits enfants, sur la difficulté parfois à manifester nos sentiments et toujours nous avons travaillé, l’écoute, le ralentissement des réactions pour laisser place à la réflexion, la capacité à se décentrer en mobilisant la raison. Rachida qui a dû retourner travailler à Paris nous accompagne maintenant en pensée au Maroc, pays qui a vu naître ses ancêtres. Bruno, lui aussi nous a quittés demi-tour avec son camion, cela n’était pas prévu. Fatigue du voyage, longueur de la route, il a préféré rentrer chez lui. Nous sommes donc maintenant trois personnes à poursuivre le voyage, Choukri, Dominique et moi-même au volant de la Philomobile. Alors oui, nous avons remarqué des différences entre les attitudes des Français et des Espagnols pendant les ateliers. Les ateliers les plus délicats se sont pour l’instant déroulés en France. Nous autres français, avons un esprit critique bien aiguisé, d’un côté cela peut nous aider à ne pas chercher l’accord systématique et donc à penser, mais de l’autre cela peut aussi nous enfermer, nous nous accrochons à nos points de vue et ne voulons plus en démordre. Certaines personnes ne comprennent pas qu’on ralentisse le débit, qu’on évite de réagir, mais plutôt qu’on prenne le temps de la réflexion. Si jamais l’animateur s’aventure à demander de ne pas parler immédiatement, aussitôt cela est considéré en France comme un rapport de force, un exercice abusif du pouvoir, même si on y met de l’humour. Les Espagnols pas plus que les Français n’ont l’habitude de s’écouter. Il suffit d’aller dans un bar à tapas pour s’en rendre compte. Chacun parle plus fort que son voisin et cela finit par devenir assourdissant. En Espagne on parle un peu comme on chante, pour communier plus que pour dialoguer. Se sentir bien en compagnie des autres compte beaucoup dans ce pays où les rues s’animent dès la fin de l’après-midi. L’atelier de philosophie rompt avec ces habitudes puisqu’alors il s’agit de poser la réflexion, de ne plus parler en même temps ou plus fort que les autres, mais d’écouter avec attention ce qu’ils disent et ce que l’on dit soi-même. En Espagne comme en France cela n’est pas facile, toutefois là où les Français se fâchent parfois quand on leur propose de modifier un peu leur rapport au langage, les Espagnols sourient en général et jouent volontiers le jeu. Pourquoi les Français ont-ils cette tendance à se prendre très au sérieux? (Il s’agit évidemment de traits culturels généraux auxquels beaucoup de cas individuels échappent) hypothèse : peut-être parce que les Français sont lestés d’un imposant passé culturel, de toute une myriade de penseurs et de philosophes, de géants qui les ont précédés et pour lequel le monde entier les reconnait. Les Français craignent de ne pas être à la hauteur de leur réputation d’intellectuels, ils ont une image à défendre et cela ne facilite pas leur réflexion, car pour réfléchir en toute liberté mieux vaut ne pas être préoccupé par l’idée de prouver qu’on est fort, mieux vaut cultiver une forme de naïveté, ou encore une «docte ignorance » comme disait Nicolas de Cues, car c’est à cette condition qu’il est possible de s’aventurer à réfléchir, à essayer de nouvelles hypothèses, à comprendre celles des autres aussi bizarre puissent-elle paraître au regard de nos présupposés.

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