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LES DIALOGUES DE MADAME RABAT-JOIE. 2


9.MADAME RABAT-JOIE EST-ELLE COURAGEUSE ?

- Eh, monsieur Gentil, tu sais pas où elle est passé toi, Madame Rabat-joie ? Elle a dialogué dernièrement avec des personnes qu’elle croisait par ici, elle en a même agacé certains, d’autres se sont intéressés à ces échanges. Quelques uns de ces dialogues ont été publié sur Facebook la semaine dernière et depuis plus rien, disparue !

- Ben non, j’en sais rien. Je sais seulement qu’elle aime bien se balader dans les montagnes, partir à skis, dormir dans une petite cabane du massif du Risoux dans le Jura.

- Ah, oui tu as raison, j’avais oublié qu’elle aime bien ça.

- C’est une femme courageuse quand même !

- Courageuse, tu rigoles ! pourquoi ?

- Ben elle n’a pas peur de partir la nuit faire du ski, de dormir dans une cabane.

- Pfff…je sais que tu viens de la ville monsieur Gentil. Il y a des choses que tu ne connais pas, dans le Jura beaucoup de gens pratiquent le ski de fond et certains apprécient particulièrement la nuit lorsqu’on entend le glissement sous les étoiles et que la lune projette l’ombre des sapins lourds de neige. Pour toi ça paraît du courage, peut-être parce que tu ne t’y risquerais pas, mais pour les montagnards et y compris pour Madame Rabat-joie cela fait partie d’un grand plaisir de l’existence. Tu appelles cela courage parce que ça te dispense même d’essayer.

- Oui, c’est vrai, je ne sais pas skier, c’est un plaisir qui m’est totalement inconnu, bah de toute façon, ça ne me manque pas. Donc si elle n’est pas courageuse pour ça je trouve qu’elle l’est quand même pour d’autres raisons

- Ah bon! lesquelles ?

- Tu as vu, elle va dialoguer, questionner, bousculer les gens, certains se fâchent, d’autres l’ignorent alors qu’elle s’adresse à eux, d'autres la prennent pour une folle dingue, ou une prétentieuse qui se prend pour une philosophe. Voilà à quoi elle s’expose, c’est quand même pas facile.

- Hum, et toi tu la félicites pour son courage ! Mais là encore tu montres que tu ne comprends pas, je ne t'ai jamais vu t'intéresser à la pratique philosophique. C’est comme pour le ski de fond, c'est un tel plaisir de glisser au milieu des étendues de forêts que les picotements du froid et les chutes ne sont rien, ils font partie de l'ensemble. Toi, tu crois que c’est du courage d'aller questionner les autres car tu ne considères que les désagréments, tu ne te laisses pas saisir par le plaisir stimulant, fortifiant qu'il y a à rencontrer parfois une belle idée. Tu n’aimes pas observer et comprendre comment les autres pensent, tu n’en as pas la patience. Tu te réfugies dans tes livres, ou ce qui revient au même mais paraît moins intello, tu te plonges dans ton train train quotidien en disant que tu n’as pas que ça à faire. Soit les autres et leurs idées t'indiffèrent soit tu les trouves révoltants, dégoûtants. Quoiqu’il en soit tu cherches le plus possible à t’en protéger, en te scandalisant, en t’horrifiant, en t’éloignant. Tu es chez toi avec tes idées, tu as tes vérités, même si parfois cela te fatigue un peu. Alors, dès que quelqu’un recherche au contraire les idées des autres, les provoque, tu ne comprends pas. Tu appelles cela courage, certes c’est élogieux, mais ainsi tu te dispenses de chercher à comprendre, tu justifies ta paresse. Les insultes, mais plus subtilement, les compliments sont souvent de bons moyens pour se débarrasser des autres et de ce qui chez eux pourrait remettre en question le monde dans lequel nous avons choisi de vivre.

10. MADAME RABAT JOIE PÈTE-T-ELLE PLUS HAUT QUE SON CUL ?

- Tu sais, il parait que Madame Rabat-joie dans ses « ateliers philo », elle donne des ordres : elle dit de se taire, elle ne se gêne pas pour couper la parole. Non, mais elle se prend pour qui celle-là ? Vraiment, elle pète plus haut que son cul.

- Eh monsieur Gentil, ça ne te ressemble pas ce genre de vocabulaire. Elle doit vraiment t’énerver cette Madame Rabat-joie ! Donc tu penses que si quelqu’un te coupe la parole, il se croit supérieur ?

- Ben, évidement celui qui coupe la parole, il se croit supérieur, il veut s’imposer ! Elle Madame rabat-joie, elle empêche les gens de parler, c’est quand même un comble pour des ateliers philo !

- Tu ne trouves pas qu’il y a des gens qui feraient mieux d’apprendre à se taire, à se réconcilier avec le silence ?

- Oh oui, ceux qui s’écoutent parler et professent doctement, ceux qui ramènent tout à eux, ceux qui répètent plusieurs fois ce qui vient d’être dit, ceux qui ont eu une révélation et sont persuadés de détenir la vérité, ceux qui se perdent dans des discours compliqués auxquels on ne comprend rien, ceux qui chipotent et font faire du surplace, ceux qui s’éternisent dans leur plainte, ceux qui n’ont que des futilités à échanger.

- Donc ceux-là faut-il les arrêter ?

- Hum, les arrêter je ne sais pas, mais mieux vaut les fuir sinon c’est très oppressant. En général ceux-là je les coupe intérieurement pour m’en préserver, je les laisse dire sans les écouter, j’attends que ça passe et si je les croise dans la rue, je change de trottoir. De toute façon, je suis qui moi pour les interrompre ?

- Oui, c’est vrai tu es qui toi ? Finalement tu ne les interromps pas pour ne pas avoir de problème, mais tu les arrêtes en les fuyant extérieurement ou intérieurement. Les considères-tu comme des interlocuteurs valables ?

- Ben non, comment veux-tu dialoguer, toi, avec un docte, une prétentieuse, une chipoteuse, un converti, une radoteuse, une compliquée, un borné ou un plaintif ? C’est totalement impossible !

- Et toi tu échapperais à ces travers ? Tu n’es ni docte, ni prétentieux, ni converti, ni futile, ni chipoteur, ni radoteur, ni compliqué, ni borné, ni plaintif ? Penses-tu alors être supérieur à la moyenne ?

- Mais non ! Qu’est-ce que tu dis-là ! J’ai certainement des défauts mais aucun de ceux-là !

- Penses-tu que ce sont des défauts courants chez les humains ?

- Oh, oui ! Malheureusement trop courants !

- Donc toi tu ne possèdes pas un de ces défauts pourtant très courants, tu es donc un peu exceptionnel. Hum, il y a certainement un rapport entre se penser exceptionnel et penser que les autres ne sont pas des interlocuteurs valables. Derrière le monsieur Gentil, vois-tu celui qui se cache ?

- Je pensais qu’on était débarrassé de Madame Rabat-joie et qu’on allait dire ce qu’on pense d’elle, mais avec tes questions tu fais tout dévier. Ces dernier temps tu es devenu aussi pénible qu’elle! Je te prie de me laisser tranquille maintenant !

11 MADALE RABAT-JOIE CHEZ LES PARISIENS

- Hé monsieur Gentil, sais-tu que Madame Rabat-joie a proposé un atelier philo à Paris la semaine dernière. Toi qui es parisien, tu n’y es pas allé ?

- Non pas le temps. J’ai vu passer l’annonce sur Facebook, ça m’a fait sourire. Elle vient à Paris rien que pour ça ?