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MADAME RABAT-JOIE ET LES ENFANTS ROIS.


- Qu’est-ce que tu penses de l’éducation aujourd’hui ?

- Je trouve qu’on fabrique des enfants rois.

- « Des enfants rois », tu as vraiment un discours de réac ma pauvre vieille ! Moi je connais plutôt trop d’enfants dans la souffrance et je trouve qu’on ne fait pas encore assez de choses en France pour eux.

- Donc tu dirais que les enfants en France souffrent trop.

- Oui, un enfant qui souffre c’est toujours une souffrance de trop.

- Là, je voudrais apporter une critique : il est normal et important qu’un enfant souffre.

- Tu es complètement dingue, je ne peux pas te laisser dire ça ! Il faut tout faire pour épargner les enfants !

- Hum, tu as l’air scandalisé.

- Évidemment, c’est insupportable ce que tu dis, ça me fait mal aux oreilles d’entendre ça !

- Donc je suppose que mes propos te font souffrir.

- Bien sûr qu’ils me font souffrir !

- J’aurais l’air plus gentille si je te demandais des excuses mais je n’en ferai rien car entre écouter ta souffrance et ne pas réfléchir ou réfléchir et ne pas écouter ta souffrance, je préfère la deuxième option.

- Tu portes bien ton nom de Rabat-joie, même tu es pire que ça !

- Tu ne veux pas que les enfants soient dans la souffrance mais un enfant roi EST dans la souffrance, ce n’est pas contradictoire ! Roi, souffrance ça marche ensemble.

- Hum, peux-tu m’expliquer une idée pareille car ça va contre le sens commun ?

- Eh bien, nous sommes dans une société qui accorde beaucoup d’importance à l’enfant, ce qui n’a pas été toujours le cas. Lorsqu’aujourd’hui en France un enfant a des occasions de souffrir : moqueries, difficultés scolaires, douloureux contexte familial, exclusions, etc, l’adulte, parent ou professeur éprouve aussitôt de l’empathie pour lui.

- Normal, non ?

- Oui, normal. Mais le problème c’est que l’adulte cherche alors tous les moyens possibles pour éviter cette souffrance à l’enfant, pour la faire disparaître (il s’aime beaucoup et se trouve très gentil en faisant ça). S’il n’y parvient pas lui-même, au plus vite, Il convoque des psychologues, des médecins de toutes sortes, pour que rapidement l’enfant sorte de ce sentiment douloureux et accède au plus grand bonheur.

- Ben, encore heureux. Toi tu voudrais que l’enfant reste dans cette souffrance ?

- Oui, qu’on le laisse souffrir tranquillement, goûter un peu à son chagrin, même là dedans les adultes viennent mettre leur nez. On pourrait faire un peu confiance aux gamins et leur ficher la paix. La souffrance fait partie de la vie et si l’enfant n’apprend pas à s’y confronter, il ne saura pas puiser dans ses propres ressources.

- Toi, tu ne veux pas protéger les enfants !

- Tu caricatures ce que je dis. Un enfant qui est excessivement ménagé, ne supporte pas le moindre petit désagrément. Il devient alors un petit roi capricieux et insupportable.

Par exemple si la maîtresse ou le maître lui demande de changer de place parce qu’il bavarde, ou si un autre enfant se moque de lui parce qu’il a le nez qui coule et de la sauce tomate sur le menton, peu habitué aux contrariétés, il se sent brisé de l’intérieur. Et ses parents croyant le protéger en se mettant à son écoute, réprimandent le professeur, le culpabilisent, voire même portent plainte en lui rappelant combien leur progéniture est sensible et même hypersensible.

De la sorte ils fabriquent le malheur de leur petit trésor. À force de vouloir le préserver de la souffrance, ils l’y précipitent. C’est marrant cette propension qu’ont les humains à produire ce qu’ils craignent le plus.

- Hum, je reste quand même très dubitatif Madame Rabat-joie, l’attention à l’enfance me semble primordiale !

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