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L'HOMME DE POUVOIR ET LA DÉRIVE AUTORITAIRE.


À quoi le reconnaît-on ? Il occupe une position haute dans la pyramide de la hiérarchie. Cela veut dire que beaucoup de personnes doivent obéir à ses ordres. Parfois, il n’est pas tout à fait au sommet mais il est une courroie de transmission haut placée. L’homme de pouvoir se sent investi par sa fonction, sa mission qu’il pense prendre très au sérieux. Ceux qui sont sous sa responsabilité, ne comprennent pas toujours le sens de cette mission, alors il se charge de leur faire comprendre. Il sait, pense-t-il, mais eux ne savent pas, il veut les éclairer. Alors puisant dans toute la générosité dont il se sent capable, il explique à ceux qui n’ont pas compris. Il se veut pédagogue et pour se faire comprendre, il parle longuement avec toutes sortes de périphrases, mais son discours paraît parfois creux et déconnecté de la réalité de ceux auxquels il s’adresse. Alors il juge stupides ou dangereux ceux qui ne le comprennent pas. S’ils persistent dans leur incompréhension, il saura leur expliquer autrement, en usant de la force.


Qu’est-ce qui le fait agir ? L’homme de pouvoir lorsqu’il part dans une dérive autoritaire est-il réellement investi par sa mission et par le bien commun comme il le prétend ou bien est-il poussé par d’autres forces plus obscures ? Quand il regarde au-dessus de lui, il tremble, quand il regarde en dessous il fait trembler. Les rapports humains se lisent pour lui dans ces jeux de subordination et d’intimidation. Il intimide ou il est intimidé, il a peur ou il fait peur. Comme il a peur d’avoir peur, il prend les devants en faisant peur. Une personne qu’il aura intimidée, voire terrorisée, ne pourra pas lui faire peur. Craintive, elle se tiendra tranquille. Il jouira alors du pouvoir qu’il exerce car il se sentira en sécurité, à l’abri des dangers. L’homme de pouvoir n’aime pas ce qui résiste. Manquant de confiance en lui, il craint de ne pas avoir la force de faire face à une critique ou un obstacle. Il s’enferme alors dans une logique de survie sans se rendre compte qu’il existe des jouissances plus riches, plus libres, plus joyeuses, plus humaines que celle de la sécurité.


Conséquences de son autoritarisme. À force de faire peur à ses subordonnés, il ne voit pas que ces derniers lui mentent et lui cachent ce qu’ils pensent. Comme eux non plus n’aiment pas avoir peur, ils font tout pour le satisfaire en apparence et pour ne pas rencontrer de problèmes. Certains d’entre eux s'arrangent avec leur conscience en se faisant croire que l’homme de pouvoir les protège, ils refusent d’admettre qu’ils sont mus en réalité eux aussi par leur peur. Lorsque malgré tout la réalité résiste aux décisions de l’homme de pouvoir, ses subordonnés s’arrangent avec elle et font croire à leur chef que les choses vont comme il le souhaite alors qu’il n’en est rien. Comme ils sont sur le terrain, ils pourraient prévenir des difficultés qui peuvent se présenter, mais ils se gardent bien de le faire par peur de mécontenter. À ce jeu l’homme de pouvoir finit par vivre enfermé dans un monde complètement illusoire. Les décisions qu’il prend deviennent absurdes, au point qu’elle le mette parfois lui-même en danger. À force de se préoccuper de sa survie, il en vient à se mettre en danger. Il a beau chercher à empêcher ses subordonnés de communiquer entre eux, il arrive souvent qu’ils s’allient dans son dos et qu’ils fomentent dans l’ombre un coup d’État, un renversement. L’homme de pouvoir enfermé dans sa dérive autoritaire pourra alors mal finir, à moins qu’il parvienne à imposer un véritable régime de terreur. Mais c’est alors la loi du plus fort qui s’instaure, une loi de la jungle aussi instable que triste, car engendrant la peur ou la colère, elle ne laisse jamais en paix. Elle n’offre pas aux humains qui la subissent l’opportunité de s’occuper d’autre chose que de leur survie : inventer, explorer, chercher, découvrir, jouir d’un paysage ou d’une oeuvre d’art, dialoguer, connaitre la joie d’aimer.


Des solutions pour l’homme de pouvoir ? Du temps de la monarchie pour éviter les dérives et la déconnection, certains hommes de pouvoir se payaient les services d’un bouffon, ainsi François premier avec Triboulet. Ce dernier était autorisé à se moquer, à critiquer et à remettre en question. Bien que le jeu fut périlleux, il permettait au monarque de ne pas s’enfermer dans un autoritarisme stérile et dangereux. L’homme de pouvoir peut se questionner : jusqu’à quel point saura-t-il autoriser la critique et la moquerie ? Quelle force intérieure lui permettra d’entendre ce qui est juste sans s’effondrer pour autant ? Si une société ne veut pas basculer dans un régime de terreur dans lequel l’épanouissement de l’être humain devient impossible, elle doit alors toujours autoriser face à un pouvoir, l’expression de contre-pouvoirs. Elle devra non seulement autoriser, mais favoriser par l’éducation, l'impertinence et la critique.

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